Les métiers de la BD: Patrick Lehance, lettreur
Dans le cadre de nos dossiers consacrés aux métiers de la BD, BLAM! a interviewé Patrick Lehance, lettreur pour différentes maisons d'éditions (Humanoïdes Associés, Casterman, Glénat, Vents d'Ouest, et maintenant Delcourt). Petit aperçu d'un métier de l'ombre qui met en son les cases et enlumine les couvertures.



la guildeSalut Patrick, alors, pour commencer, un lettreur de BD, c’est quoi ?
P.L.: C’est quelqu’un qui reçoit une commande d’un éditeur. Celle-ci consiste à remplir les bulles d’une BD avec du texte, mais aussi parfois à dessiner un titre accrocheur sur la couverture ou même à concevoir les pages de garde et mettre l’album en pages. Comme le lettreur se situe à la fin de la chaîne de production, il doit souvent rattraper le retard accumulé par l’auteur, et par l’éditeur. Il s’agit donc de travailler très vite, sous la pression. Il faut comprendre rapidement ce que l’auteur et l’éditeur désirent, choisir la bonne police de caractère pour les phylactères, en tenant compte du style de l’histoire. Par exemple, on ne lettre pas une histoire d’Heroïc Fantasy de la même façon qu’un recueil de gags humoristiques. Le lettrage, c’est la « bande son » de l’album.

BLAM!A la base, tu es donc graphiste ?
BLAM!P.L.: Oui, mais je me destinais plutôt vers la bande dessinée. Quand j’étais gamin j’avalais tout, depuis les petits formats genre Artima jusqu’aux comics américains en passant par les albums de Bob et Bobette. Avec l’âge bien sûr on devient plus sélectif. Puis j’ai suivi les cours de l’Atelier BD de Saint-Luc à Bruxelles. J’y ai appris des tas de choses et rencontré des gens intéressants qui m’ont ouvert l’esprit sur d’autres univers : la littérature, le cinéma, le rock… Une fois mon diplôme en poche, j’ai visité quelques éditeurs avec mes histoires, très influencées par l’esprit de Métal Hurlant. Là, on me disait toujours que j’arrivais 20 ans trop tard, que mon style était trop sombre. Comme je m’intéressais aussi au graphisme, je me suis finalement reconverti dans cette discipline. Il y avait une demande énorme, et au bout de quelques années je suis devenu indépendant. Je me suis spécialisé en presse magazine, et en typographie. J’adore les lettrages. D’ailleurs, je collectionne les alphabets, je dois en possèder à peu près 10.000.

BLAM!He he, t'es un grand malade ! Est-ce vraiment nécessaire d’en collectionner autant ???
BLAM!P.L.: On peut exprimer un tas de choses avec le dessin d’une lettre, et la typographie est un art exceptionnellement riche. J’éprouve la plus grande admiration pour les vrais typographes comme Etienne Robial. Créer un alphabet bien foutu, avec des lettres bien équilibrées, ça représente un travail énorme, aride et exigeant.

BLAM!Comment devient-on lettreur ?
BLAM!P.L.: Il existe plusieurs écoles de typographie, par exemple l’Ecole Estienne à Paris ou l’atelier de typo à La Cambre (Bruxelles). Mais en lettrage de BD, il n’y a aucune école ni formation spécifique. C’est un « petit métier », on apprend sur le tas. J’ai débuté sur le marché américain, en lettrant des albums francophones traduits. Les Américains possèdent la meilleure approche de ce travail, d’ailleurs quand on examine les comics on se rend compte que les typos sont toujours hyper lisibles, bien centrées au milieu des phylactères. Ici, on préfère « remplir » les bulles, on n’aime pas trop le blanc. J’essaie donc de proposer des solutions intermédiaires, mais en gardant un texte compact et harmonieux.

BLAM!Question pratique, tu travailles à la main ?
BLAM!P.L.: Non, j’utilise un ordinateur. On peut, depuis des années, créer et éditer électroniquement ses propres polices de caractères. On peut aussi modifier des polices déjà existantes. Mais de nombreux auteurs préfèrent encore travailler à l’ancienne, et lettrer eux-mêmes à la plume. Ils trouvent les caractères numériques trop « froids ». Certains lettreurs travaillent eux aussi à l’ancienne. J’en connais même un, ici à Bruxelles, qui est spécialisé dans les vieilles typos des années 20.

BLAM!Donc deux écoles s’affrontent...
BLAM!P.L.: Si on veut. Personnellement, je ne trouve pas les caractères numériques trop froids. Il existe des polices électroniques très agréables à lire, et à mon avis bien des albums gagneraient en lisibilité si on les utilisait plus souvent. De toute façon, le lettrage informatique s’impose quand on traduit l’album pour les marchés étrangers. C’est une question de rentabilité.

BLAM!Bref, selon toi, rien ne vaut un bon lettrage électronique...
BLAM!P.L.: Disons que dans un système industriel c’est une solution qui présente d’énormes avantages. Mais attention, je ne suis pas un intégriste. J’estime que la typographie manuelle a son utilité, et tous les grands typographes dessinent d’abord leurs caractères à la main avant de les peaufiner sur des programmes informatiques. Le même débat existe à propos de la couleur : pour ou contre les couleurs par ordinateur ? Je ne partage pas trop cette vénération du « tout est fait à la main ». Le métier change, les techniques évoluent, et en principe elles nous facilitent la vie !

BLAM!Peut-on vivre décemment en travaillant comme lettreur ?
BLAM!P.L.: Bonne question. C’est peut-être possible, en multipliant les contacts et en travaillant pour un maximum d’éditeurs différents. Actuellement, je travaille pour 5 maisons d’édition, et je lettre environ 2 albums par mois. Idéalement, je devrais en lettrer 6. Alors j’exerce encore mes talents de graphiste pour d’autres clients...


BLAM!
Patrick, un tout grand merci à toi et à bientôt ;-)
(Retrouvez ci-dessous quelques exemples de lettrages).



BLAM! BLAM!

Marquis
Editions Les Humanoïdes Associés, janvier 2004
Lettrage
(cliquez pour agrandir)


Marquis
Editions Les Humanoïdes Associés, janvier 2004
Lettrage
(cliquez pour agrandir)



Lucha Libre
Création & typographie pour une affiche de concert rock, 2005
Pour cette création, il s’agissait de retrouver l’esprit des affiches de catch mexicain (la « Lucha Libre »), imprimées avec des presses à caractères en bois (woodtype) sur du papier très fin.
(cliquez pour agrandir)

Pour plus d'infos...
  Le blog de Muttpop dans lequel Patrick sévit sous le nom de Jimmy Pantera.


Dossier réalisé par ADN, octobre 2006.


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